Les trucs des vieux sont à la mode chez les jeunes

Illustration : Abbey Lossing

Alors que les milliardaires de la tech cherchent à tout prix à gagner du temps et investissent dans la recherche anti-âge, la jeunesse de moins de trente ans se pose en rebelle : elle pêche, joue aux mots croisés, se chauffe à la bouillotte parce que c’est cool, achète un téléphone portable première génération et passe des soirées sur un puzzle à mille pièces.

Entre un dimanche consacré au batch-cooking (cuisiner le dimanche pour toute la semaine pour s’empêcher d’acheter des plats industriels), un jeudi soir crochet ou un café-tricot, même la star Disney / Marvel Zendaya concède ses habitudes de grand-mère et sa passion pour le temps passé au rayon tisanes dans une interview : « Un anniversaire surprise à Las Vegas, pour moi serait un cauchemar ! »

 L’idée est de résister à l’instantané. Il faut prendre son temps, se servir de ses mains, reconnecter avec les choses physiques. Sur TikTok, les vidéos de pêche #fishing cumulent plus de 94 milliards de vues et #birding (observer les oiseaux) plus de 136 millions. Ces vieilles âmes n’aiment tout simplement pas se mettre des mines toutes les semaines, exigent une vraie carte au restaurant, face au QR code imposé et payent en espèces. Le Monde leur consacre un énième surnom : la “génération plan-plan”.

Pour Fanny Parise, anthropologue et autrice des Enfants gâtés. Anthropologie du mythe du capitalisme responsable (Payot, 2022), cette forme de résistance est liée à la montée de la psycho-spiritualité [la quête de soi et du bonheur, qui passe par le développement et l’épanouissement personnels], et elle n’est pas nouvelle. Identifiée dès les années 1980 dans les sociétés occidentales hyperindividualistes. Elle conduit à ce qu’on appelle en sociologie des pratiques de réassurance. “Le tricot comme le Scrabble sont des activités où on a l’impression de tout maîtriser, car leur savoir-faire s’inscrit dans une tradition. »

Les mouvements du Do It Yourself (le faire soi-même) et de l’upcycling (donner une nouvelle utilité à un objet) ont aussi fait son oeuvre, tout comme le dérèglement climatique qui a accéléré l’éveil au sens pratique : savoir se débrouiller dans une forêt, reconnaître les plantes comestibles, savoir se retrouver sans GPS ou encore se nourrir sans recourir aux Pasta Box sont devenus des préoccupations prenantes. Même au sein du gouvernement, les traditions (re)prennent de la valeur : la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a axé tout son plan 2023 autour de la revalorisation et le soutien des métiers d’arts, fragilisés ces dernières années (à la faveur des usages numériques généralisés), et pourtant cruciaux pour l’économie et le patrimoine français.

La transmission des savoirs et des savoir-faire ont de plus en plus de valeur, à l’heure où tout se numérise, se stocke sur un serveur et rien ne se retient. Les initiatives de liens et de soutien intergénérationnel se multiplient à travers le monde, signe de bonne santé d’une société.

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