Ignorer les gens, la hype qui monte

Crédits : Irène Rinaldi

À la fois célébrée et crainte, la solitude a le vent en poupe. Est-ce la fin du bavardage, interroge Le Monde. Si savoir rester seul·e et se complaire avec soi et uniquement soi est une prouesse démontrant une certaine connaissance de soi, passer du temps avec les autres est une activité de plus en plus boudée.

C’est la fin du papotage, que ce soit à la caisse, où l’on attend des éternités en rang d’oignons, dans les salles d’attente chez le médecin où le jeu tacite consiste à faire encore moins de bruit que son voisin ou encore au salon de coiffure, où l’on snobe littéralement la personne qui nous lave les cheveux.

Le small talk, ce moment où l’on parle de tout et de rien sans objectif particulier, est en berne. On lui préfère les écrans, les écouteurs et le binge, concept génie qui promet de ne plus jamais s’ennuyer ou d’être obligé·es de s’intéresser aux autres. Bref, on lui préfère ce que le sociologue canadien Ervin Goffman appelle l’inattention civile.

Il semblerait qu’on aime se retrouver seul·e, nos smartphones excusant toutes les conventions qu’on ne respecte plus, comme saluer son voisin dans le train, avant un long trajet, voire même (osons) discuter quelques minutes avec lui. Pourtant, l’étude menée par Juliana Schroeder et Nicholas Epley (universités de Californie et de Chicago) révèle que d’une manière générale, on estime avoir passé une meilleure journée après avoir discuté avec des gens qu’on ne connaissait pas.

Selon Stav Atir, chercheuse à l’université du Wisconsin, on sous-estime le bonheur que parler à des inconnus apporte et toutes les informations précieuses qu’on pourrait tirer de cette expérience. Le point bloquant serait l’incertitude de l’inconnu, tandis que nous savons davantage à quoi nous en tenir en discutant avec une personne qu’on connaît.

Le New York Times (et de nombreuses études citées) confirme : parler à des inconnu·es est une manière d’être plus heureux·se : créer ce qu’on appelle des “liens faibles”, c’est-à-dire, des liens avec des personnes qu’on connaît peu, permettrait aussi de nous ouvrir, au quotidien, à des champs que nous ne soupçonnions pas et élargir nos champs de réflexion.

En soirée, faîtes le test. Ne vous lancez pas sur celles et ceux dont les visages vous sont familiers, mais plutôt sur les personnes qui n’attendent qu’une chose, qu’on vienne discuter avec elles.

Suivant
Suivant

Rester solidaire dans un monde en crise