Gas, l’appli bienveillante qui cartonne

Illustration : Gifes Con Ensalada

Gas, « l’essence » en anglais, inspiré par l’expression « to gas up » (« faire le plein ») est fondé sur un seul principe : dire du bien des personnes que vous connaissez. Lancé en août 2022 aux Etats-Unis, ce nouveau réseau social est aujourd’hui en tête sur l’App Store d’Apple aux États-Unis (oui, devant Tik-Tok), et ce bien qu’il soit disponible dans seulement une douzaine d’États américains. Sur Twitter, en décembre dernier, son fondateur revendiquait 10 millions de téléchargements.

Le fonctionnement est simple. Les utilisateurs s’inscrivent sur l’appli via leur école (Gas a été lancée auprès de collégiens et lycéens), ajoutent des amis et sont invités à répondre à des questions à choix multiples sur leurs camarades. L’objectif de ces sondages est de se complimenter mutuellement, de quoi renforcer la confiance des utilisateurs, voire de booster leur ego en cas de besoin.

Les personnes complimentées reçoivent ensuite des notifications « flammes ». L’algorithme de l’application est en principe conçu pour une visibilité équitable de tous les élèves, histoire de ne laisser personne sur la touche et (surtout) de ne pas tomber dans l’injonction d’attirer l’attention à tout prix pour être socialement validé. Vos amis sont prévenus que quelqu'un - ils ne savent pas qui - leur a fait un compliment. Et c'est limité à cette simple fonction, il n'y a ni messages privés ni commentaires. La clé du succès : la gentillesse et la bienveillance.

L'autre point fort de Gas : une interaction uniquement entre membres qui se connaissent dans la vraie vie, ce qui procure une meilleure sécurité (les concepteurs affirment d'ailleurs qu'ils peuvent repérer grâce à cela de faux comptes malveillants).

Rachetée mi-janvier par la messagerie instantanée à succès Discord, Gas vit en fait sa deuxième vie. Son fondateur Nikita Bier, un ancien de Facebook et Meta, avait déjà tenté un autre concept similaire cinq ans plus tôt intitulé TBH – abréviation de “To Be Honest”. Facebook l’avait alors racheté et fermé. Alors, Gas fera-t-il mieux et tiendra-t-il sur la distance ? Tous les éléments sont réunis pour que la réponse soit oui. Pour le moment, pas encore de date annoncée pour un potentiel lancement en Europe, mais le service compte déjà plus de 5 millions d’adeptes aux Etats-Unis.

Gas doit aussi son succès à son statut d’OVNI. C’est à ce jour l’unique réseau social qui mise sur la bienveillance et le positivisme, et dont l’objectif est d’augmenter l’estime de soi. Et cela change des réseaux sociaux actuels. Les études alertant sur l’influence néfaste de ceux-ci se multiplient, notamment chez les jeunes, qui seraient extrêmement sensibles aux commentaires en ligne. Ils auraient une mauvaise image de leur corps, mais aussi et plus globalement d’eux-mêmes.

L’idée d’axer une appli communautaire sur le compliment est donc essentielle (nécessaire ?) dans une ère dominée par les interactions en ligne – 85% des jeunes issu.es de la Gen Z en France utilisent les réseaux sociaux à des fins ludiques, et surtout pour discuter avec leurs “amis” .

Lorsqu’il ne s’articule pas dans une “positive toxicity”, cette injonction à être cool, beau, sympa dans n’importe quelle situation, le compliment serait nécessaire à notre bien-être : selon de récentes études, la reconnaissance et la mise en valeur est augmenter le bien-être. En des temps de “name and shame de campagnes de harcèlement et d’humiliations en ligne, le compliment opère un tour de force en s’imposant dans nos usages comme une nécessité physiologique et politique.

Le compliment renforcerait la confiance en soi mais aussi la confiance en l'autre, et ses bienfaits sont considérables que ce soit au travail, en famille, entre amis, et même envers des inconnus. Ce serait, par exemple, en soulignant les bons comportements qu'on serait capable de mieux accepter la critique et de s'investir davantage. Le compliment a d’ailleurs sa journée mondiale, le 1er mars de chaque année depuis 2003, à l’initiative des Pays-bas, avec pour but d’en faire la journée la plus positive de l’année.

Le positivisme clé du bonheur ? S’il en fait partie, en Finlande, élu en 2022 (et pour la 5ème année consécutive), pays le plus heureux du monde (la France occupe la 21ème place), il semblerait que ce soit surtout la satisfaction de ce que l’on possède et de ce que l’on est qui soit essentiel. C’est-à-dire, refuser toute injonction à la positivité normative. La Finlande fait aussi partie des 23 pays classés qui sont dirigés par une femme. Ceux-ci “ont eu tendance à favoriser les politiques qui visaient le bien-être général”, estiment de nombreuses études scientifiques.

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