I love Roubaix

Désert gastronomique hier, les Hauts-de-France viennent d’être labellisés « région européenne de la gastronomie pour 2023 » - et c’est la première région française a obtenir le titre. Un renouveau culinaire incarné par les jeunes chefs de la métropole lilloise – qui compte, à ce jour, 5 restaurants étoilés au Michelin.

Après le déclin des grandes maisons comme Le Flambard ou L’Huitrière dans les années 1990, c’est notamment grâce au succès de la culture 10 ans plus tard que la capitale des Flandres a repris du poil de la bête. En 2004, Lille devient capitale européenne de la culture et voit alors éclore de petites tables de qualité... Un terreau idéal pour une nouvelle garde.

Depuis, la région est, aussi, réputée pour son dynamisme culturel, et ses nombreuses institutions qui mixent patrimoine, mode et art contemporain. Il faut dire que la Métropole dispose d’importants musées tels que le Palais des Beaux-ArtsLa Piscine, le LaM ou le MUba, de salles de concerts, mais aussi de structures alternatives comme le Tri Postal, la Gare Saint Sauveur, la villa Cavrois, Le Fresnoy ou les Maisons Folies… Le but étant d’ancrer la culture (l’art contemporain surtout) – dans la vie quotidienne des lillois. Une offre exceptionnelle, donc, qui participe largement au rayonnement de Lille en France, mais aussi à l’international.

Mais on ne peut pas (vraiment) parler d’art contemporain et de culture (alternative), ni de “branchitude” sans évoquer Roubaix.  Street art débridé, résidences d'artistes pointus, lieux alternatifs branchés... Les anciennes friches textiles de Roubaix repensées donnent à la ville un air de « Brooklyn du Nord ».

À Roubaix, le croisement entre l’art et l’artisanat règne en maître. L’histoire de la ville est viscéralement liée à l’industrie du textile, aujourd’hui réincarnée dans de nombreuses initiatives qui font de Roubaix une place forte du « nouveau textile », entre design et technologies. Rien de plan-plan, car les Roubaisien·nes sont animé·es d’une niaque d’enfer. Et d’une sacrée résilience, lorsque l’on connaît le désastre économique qui s’est abattu sur la région dès les années 1950. Roubaix s’est depuis trouvé un second souffle dans le textile local et durable. Elle est même devenue l’emblème de la relocalisation en France. Pendant la période Covid, c’est l’atelier roubaisien Résilience, une coalition d’ampleur nationale, qui a permis de confectionner plus de 25 millions de masques lavables.

Le secteur de la mode est quant à lui loin d’être en reste : il est investi avec passion, sans se départir d’un ADN franc-tireur qui va bien aux Roubaisien·nes – qui, même au 15e siècle, n’avaient pas attendu d’autorisation pour se lancer dans le métier. Entre le projet Anti-Fashion, créé avec l’impulsion de la papesse des tendances Li Edelkoort pour sensibiliser des jeunes en difficulté aux métiers de la mode et ainsi appréhender une « nouvelle » mode, et l’ Atelier Agile 3.0 de l’association Fashion Green Hub (qui fédère une communauté de 300 entreprises de mode, collectivités et porteurs de projets de mode durable), les initiatives pionnières sont nombreuses.

Roubaix, c’est aussi la céramique, ce que l’on sait peut-être moins. La céramique contemporaine a fait son entrée dans les collections du Musée de la ville (l’ancêtre de La Piscine) dès 1860, au même titre que la peinture ou la sculpture, ce qui est inédit, voir fou, à l’époque. Une place remarquable, un anoblissement de cet « artisanat », rendu possible grâce à l’esprit avant-gardiste des conservateurs du musée qui s’y sont succédés. Ils ont tous refusé la règle française de la hiérarchie des genres et techniques artistiques, adhérant ainsi à l’esprit « Art & Crafts » des musées anglo-saxons. Esprit dont on a par ailleurs reparlé actuellement grâce à la magnifique expo consacrée à William Morris, pionnier du design et de la “création vertueuse”.

Sans transition, et pour l’anecdote insolite, c’est aussi à Roubaix que l’on trouve l’une des 14 dernières cabines téléphoniques en France (en 1997, il y en avait 300 000). Les Roubaisien·nes veulent la sauver. On adore.

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